2011-03-20

Stratagème n° 30 : échanger les places de l’hôte et de l’invité

Chercher la faille, et s’introduire progressivement jusqu’au centre de décision.
Le Yijing dit : entrée à petits pas.

Celui que l’on envoie faire les courses est un domestique, mais celui que l’on installe à la place d’honneur est un invité. Celui qui en cette place vacille et ne se soutient pas est un invité de passage, mais celui qui est solidement planté sur ses deux pieds est invité à demeure. Celui qui, invité à demeure, n’est pas appelé à prendre part aux affaires de son hôte est un invité tenu en piètre estime, mais celui qui est admis à y participer peut fort bien gagner le pouvoir de décision et renverser les rôles.
Ainsi est-il cinq pas pour échanger les places de l’hôte et de l’invité. Au premier, on se bat pour conquérir la place d’invité, au deuxième, on doit trouver la faille, au troisième, y entrer, au quatrième, prendre le contrôle du centre de décision, au cinquième, devenir soi-même l’hôte. Devenir l’hôte, ce peut être annexer l’armée de quelqu’un d’autre. Ceci est le stratagème de l’entrée à petits pas.
En 705 avant notre ère naquit Chen Wan, fils du duc Li de Chen. Un devin chargé de consulter le Yijing à son sujet interpréta ainsi les hexagrammes : cet enfant sera à l’origine d’une lignée qui se rendra maître d’un royaume étranger. Lorsque notre Etat sera tombé, leur puissance s’affirmera. Une vingtaine d’années plus tard le jeune Chen Wan dut fuir un complot de Cour et demanda l’hospitalité au puissant pays de Qi. Là, il se vit confier un poste de directeur des ateliers du palais. La famille Chen s’installa donc à Qi et changea son nom en Tian.
Les Tian fournirent pendant plusieurs siècles au pays de Qi des générations de hauts fonctionnaires qui s’appliquèrent à se concilier les faveurs de la population de leur pays d’accueil. Quand ils percevaient les taxes de céréales, ils se servaient de petits boisseaux, mais quand ils offraient ou vendaient leurs grains, ils utilisaient de grands boisseaux. Cette mesure porta effet. Le cœur du peuple leur fut acquis. Les Tian affirmèrent ainsi leur pouvoir au fil des décennies.
En 481 av JC, Tian Chang suscita des troubles, se débarrassa des plus puissants clans rivaux, tua le prince de Qi et mit à sa place un des frères cadets de celui-ci. Il détint désormais le monopole du pouvoir à Qi. Son fief personnel était plus étendu que celui de son suzerain. Il plaça des membres de la famille Tian à la tête de toutes les villes et de tous les secteurs clefs de l’Etat.
Finalement, en 391, Tian He accusa son suzerain de débauche et d’ivrognerie, le fit déporter dans une place forte au bord de la mer et prit lui-même le trône. Il fit reconnaître la légalité de cette usurpation par le roi Zhou qui se vit contraint de le compter désormais parmi ses grands vassaux. C’est ainsi qu’abouti une prise de pouvoir qui s’était étendue sur près de trois cents ans.

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