2011-03-20

Stratagème n° 21 : la cigale d’or fait sa mue

Conserver un aspect extérieur impassible. Tenir fermement sa position. Epargner ainsi à l’allié un accès de panique et ne pas donner à l’ennemi une occasion d’attaquer.
Le Yijing dit : flexibilité et calme face au chaos.

Lorsqu’on entreprend de combattre un ennemi commun au côté d’un allié, il faut prendre quelque distance pour jauger calmement l’équilibre des trois forces en présence. Si, sur ces entrefaites, surgit un nouvel adversaire, il faut esquiver son attaque tout en tenant la position initiale. Recourir à la mue de la cigale d’or permet d’éviter la fuite, en se dédoublant. Il s’agit de faire accomplir à son armée une rotation interne sans que bannières et tambours ne trahissent rien de ce mouvement. Cette méthode évite de donner l’alerte à l’adversaire et de créer un accès de panique chez l’allié. La mue de la cigale d’or consiste donc à envoyer les corps d’élite de sa formation défaire un second adversaire, tout en préservant l’équilibre des forces sur un premier front. La situation la plus épineuse dans laquelle puisse se retrouver le stratège qui a déjà affaire à forte partie est de voir s’ouvrir sur ses arrières un nouveau front. Si le cas se présente, tout est alors question de sang-froid et de vitesse de réaction. Il s’agit de porter ses forces vives face à la nouvelle menace sans pour autant dégarnir le champ de bataille initial.
En 199 av. JC, les armées de Yuan Shao avaient commencé leur descente vers le sud, pour traverser le fleuve Jaune et envahir le territoire de Cao Cao. Celui-ci disposait d’une force nettement inférieure en nombre et n’était pas du tout assuré de soutenir leur assaut. Il était en train de regrouper ses armées près du gué de Guandu, sur l’autre rive du fleuve, pour organiser sa défense lorsque Liu Bei, qui s’était rallié à lui depuis quelques temps, profita de l’occasion pour le trahir et s’emparer de l’une de ses villes, Xuzhou, à l’est de son territoire. Liu Bei pensait coordonner son action avec Yuan Shao et ouvrir un second front.
Un conseiller de Cao Cao lui donna à ce moment critique l’avis suivant : votre rival principal reste Yuan Shao. Si vous abandonnez votre ligne de défense pour courir dans l’est mater la rébellion, il en tirera parti. Cao Cao répondit : Liu Bei est un homme redoutable. Si je ne l’attaque pas immédiatement, il s’ensuivra de graves conséquences. Un autre conseiller dit : Yuan Shao est lent de caractère et nourrit toujours de nombreuses hésitations. Il n’accélérera pas sa descente. Liu Bei vient de prendre Xuzhou. Il ne jouit pas encore du plein soutien du peuple de la région. Il faut l’attaquer le plus rapidement possible. Cao Cao suivit cet avis. Il lança une expédition éclair contre Liu Bei, le défit, et revint sans tarder au gué de Guandu où une terrible bataille se préparait.
***
Comme dans toutes les armées du monde, les troupes étaient à la base disposées en formes géométriques simples choisies en fonction de la tactique adoptée : le cercle pour la défense (les angles représentant dans ce cas un net inconvénient), le carré pour les assauts massifs, le triangle (ou fer de lance) pour les percées.
Mais le secret des systèmes d’arrangement résidait avant tout dans les permutations qui réglaient le déplacement des troupes à l’intérieur d’une même figure, ou le passage sans rupture d’une figure à une autre. L’immobilité apparente de l’armée pouvait recouvrir un ballet combinatoire complexe qui permettait au général de faire circuler ses meilleures unités de manière quasi invisible d’un bout à l’autre de sa disposition, rendant imprévisible le pôle principal du coup suivant.
Celui qui est habile en l’art d’utiliser ses troupes peut les rendre pareilles au serpent flexible. Quand on attaque sa tête, c’est sa queue qui riposte. Quand on attaque sa queue, sa tête vient à la rescousse. Quand on attaque au milieu, tête et queue frappent de concert.

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