2011-03-20

Stratagème n° 17 : jeter une brique pour récolter du jade

Une chose pour une autre, toutes deux de même espèce mais non de même valeur. Celle de moindre prix suffira à constituer un appât.
Le Yijing dit : un naïf est puni.

Multiples sont les recettes pour confectionner un appât, mais la plus efficace est de donner assez de substance au leurre pour le rendre appétissant. Mener l’ennemi par des mouvements de bannières, le son de nos tambours et de nos gongs, c’est là ne créer qu’un fragile mirage. Mais lui jeter en pâture des troupes de soldats trop vieux ou encore adolescents, laisser à sa portée nos réserves de vivres et de fourrages, c’est lui laisser entrevoir un gain plus substantiel.
Le poète Chang Jian, souhaitait ardemment obtenir d’un autre poète qu’il lui dédicace des vers. Chang Jian écrivit donc deux vers sur les murs d’un temple et son confrère qui les vit ne pu s’empêcher de les compléter. Les deux vers qu’il composa ensuite en réponse furent bien supérieurs aux deux premiers. On dit par la suite de Chang Jian qu’il avait, à cette occasion, jeté une brique pour attirer du jade.
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Il faut sacrifier du matériel pour semer le désordre dans l’armée ennemie, sacrifier des troupes pour l’obliger à venir les prendre, sacrifier des bases et des territoires pour gonfler l’ennemi d’orgueil. Celui qui est trop parcimonieux ne saura rien réussir. Celui qui est trop impatient ne pourra rien accomplir.
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Parfois, même si on y met le prix, le sacrifice se révèle vain.
Un marchand itinérant rentra chez lui pour découvrir un cadavre qu’il crut reconnaître comme celui de sa femme. Le corps encore vêtu avait été décapité et sa tête avait disparu. Les parents de la victime supposée accusèrent la belle-fille d’avoir commis ce meurtre. La jeune femme fut aussitôt arrêtée et, après un interrogatoire musclé, avoua le crime. L’affaire aurait dû normalement en rester là. Mais le gouvernement provincial détacha l’un de ses subordonnés à l’étude du cas. Le fonctionnaire consciencieux estima l’affaire douteuse et procéda à un supplément d’enquête.
Il fit recueillir les témoignages détaillés de tous les médecins légistes et moines du district concernant les enterrements récents, et les conditions dans lesquelles ils s’étaient déroulés. L’une des personnes interrogées déclara : j’ai l’autre jour enterré un membre de la maisonnée d’un notable du district. On m’a déclaré que c’était la nourrice de la maison qui était décédée. Mais, le matin, quand nous avons sorti le cercueil, il était si léger qu’on aurait cru qu’il était vide. Nous l’avons enterré à tel endroit. Le fonctionnaire ordonna de procéder à l’exhumation et on trouva dans le cercueil une tête de femme. Elle s’adaptait parfaitement au corps de la victime. Quand le marchand vint reconnaître le cadavre ainsi reconstitué, il s’exclama : mais ce n’est pas ma femme !
On arrêta alors le maître de la maison qui avait procédé à l’étrange enterrement, et il avoua, après interrogatoire, avoir enlevé la femme du marchand qu’il convoitait puis laissé à sa place le corps d’une de ses nourrices qu’il avait assassinée et dont il avait fait enterrer la seule tête en grande pompe. Le coupable fut exécuté et la belle-fille mise hors de cause. On voit que l’assassin n’avait pas hésité à se débarrasser d’une brique pour cueillir impunément une belle qui ne lui appartenait pas.

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