2011-03-20

Stratagème n° 15 : amener le tigre à quitter sa montagne

Laisser travailler le temps et, quand l’ennemi sera fatigué, jouer d’un appât pour l’attirer loin de sa tanière.
Le Yijing dit : avancer présage une difficulté, reculer un succès.

Attaquer les places fortes est la plus mauvaise politique. Quand un adversaire jouit de l’avantage du terrain, on ne doit pas lui disputer ce terrain. Quand un ennemi a organisé un dispositif de défense efficace, seul l’appât du gain pourra lui faire abandonner ses positions.
Une troupe de plusieurs milliers de barbares Qiang enferma le général Yu Xu et son armée dans un passage resserré des défilés de Chencang. Yu Xu ne tenta pas de forcer le barrage mais fit annoncer qu’il attendait sur place la venue de renforts. Quand cette nouvelle fut connue des barbares, ils se dispersèrent dans les districts voisins pour se livrer au pillage. Yu Xu, voyant que l’ennemi s’était égaillé dans les environs, ordonna à ses hommes de lever le camp immédiatement. Il les mena à marche forcée sur plus de cent lis. Lors des haltes, il leur donna l’ordre d’allumer chacun deux feux, puis de doubler ce nombre chaque nuit. Les Qiang, découragés, abandonnèrent la poursuite et furent écrasés quelques temps après. En annonçant qu’il attendrait des renforts avant de faire mouvement, Yu Xu avait tout d’abord laissé libre cours à la rapacité de ses adversaires. Il les avait ensuite épuisés en se lançant dans une marche forcée, puis démoralisés en faisant doubler ses feux.
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Han Zhong, chef des rebelles, tenait encore une position stratégique dans la ville de Yuan. Zhu Jian monta sur la butte de terre et analysa la situation en ces termes : les bandits sont à l’abri de remparts solides dont il sera difficile de les déloger. Ils ne sont pas cependant en état de tenter une sortie. Ils vont donc tenir sur leur position et résister jusqu’à la mort. Mes dix mille hommes partagent la même idée et constituent une puissance redoutable mais, en face, ils sont cent mille et risquent de nous donner du fil à retordre. Il vaut mieux que nous battions en retraite derrière les murs de notre camp. En nous voyant prendre du champ, Han Zhong tentera certainement une sortie. Ses hommes ne penseront plus qu’à sauver leur vie et nous pourrons les défaire sans difficultés. Zhu Jin exécuta son plan. Le chef des turbans jaunes, voyant la voie dégagée, quitta sa position et s’avança à la bataille. Zhu Jiang lança l’attaque qui tourna à son avantage face à un adversaire qui avait perdu sa combativité. Dix mille têtes rebelles furent coupées et Han Zhong, qui pensait à déposer les armes, fut assassiné par l’un de ses partisans.
Ce stratagème a pour but de pousser l’ennemi à abandonner ses bases d’appui et à entrer dans ma zone d’influence. Ce résultat est obtenu en se servant d’appâts et en tirant parti d’une erreur de jugement du camp adverse, ce qui permet de mener la vache par le bout du museau.
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Lors de la dernière phase de la lutte entre l’Armée populaire et le Guomindang, le projet des nationalistes était de frapper des deux poings dans deux directions opposées et d’attaquer les forces communistes au Shandong et celles groupées au Shaanxi. Puis, après avoir anéanti les forces de l’Armée populaire dans ces deux secteurs, de se retourner contre ses bases en Chine centrale. L’état-major de l’Armée populaire, ayant pris la mesure de ce projet, s’employa à le déjouer. Il ordonna l’ouverture de deux fronts : l’un à l’est du Shandong pour attirer les forces du Guomindang dans la région côtière, et l’autre, au nord du Shaanxi aux limites de la Mongolie. Cette manœuvre avait pour but d’obliger l’armée nationaliste à concentrer une masse importante de troupes au fin fond des territoires qu’elle tentait de récupérer, afin de dévier son assaut.
Les deux poings de l’adversaire ainsi lancés aux deux extrémités de la carte l’obligèrent à découvrir sa poitrine, ce dont tirèrent parti les troupes communistes cantonnées dans la région de Chine centrale en lançant une attaque éclair pour enfoncer un fer acéré dans la base arrière de l’ennemi. Ce mouvement constitua le tournant de la guerre et assura le succès final de l’Armée populaire de libération.

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