2011-03-20

Stratagème n° 08 : montée discrète à Chencang

Lancer d’abord une première vague d’assaut au su et au vu de l’adversaire, puis, lorsque sûr de ses moyens, il aura organisé en réponse un dispositif stable, frapper ailleurs…
Le Yijing dit : un mouvement en douce.

Une tactique ouverte doit servir de couverture à la ruse. A défaut, celle-ci ne saurait produire son effet. Quand on veut monter discrètement à Chencang, il faut convaincre l’ennemi que l’on est encore en train de réparer les passerelles de l’autre route.
Deng Ai installa son camp sur la rive nord de la rivière Baishui. Son adversaire, Jiang Wei, envoya alors un détachement commandé par Liao Hua prendre position sur l’autre rive, en face du camp de Deng Ai. Celui-ci dit alors à son état-major : Jiang Wei prend soudain trop de précaution. Nos troupes sont en petit nombre. Selon l’Art de la guerre, il devrait traverser directement et fondre sur nous sans avoir besoin d’établir la moindre tête de pont. Je suis sûr que l’armée d’en face a pour seule mission de nous occuper pendant que Jiang Wei va attaquer à l’est de la ville de Taocheng. Deng Ai fit donc lever le camp dans la nuit et mena son armée par de petits chemins jusque devant Taocheng. Là, il trouva Jiang Wei encore sur l’autre rive qui se préparait à traverser. Mais Deng Ai était arrivé le premier, et la ruse de son adversaire s’avérait inutile.
Cette anecdote montre que Jiang Wei avait usé du stratagème de la montée discrète à Chencang avec une grande maladresse et que son adversaire découvrit d’un seul coup d’œil qu’il était en fait en train de faire du bruit à l’est pour attaquer à l’ouest.
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Ne lancer qu’une opération isolée et s’appuyer, pour ce faire, sur une tactique unique ; n’avoir qu’un seul but et un seul plan pour l’atteindre n’est pas ce qu’il y a de plus subtil. Chaque tactique doit en dissimuler une autre, chaque méthode s’en voir adjoindre une seconde, chaque piège renfermer un autre piège. L’attaque d’un secteur doit pouvoir s’étendre à un autre secteur, le champ d’opération déboucher sur un autre champ d’opération, l’assaut laisser une réserve, le projet accompli avoir encore une suite. Lorsque les troupes sont lancées dans la bataille, l’une d’entre elles doit demeurer immobile. Lorsqu’elles attaquent ouvertement, l’une d’entre elles doit être gardée en réserve pour créer un effet de surprise.
Si un n’est pas plus de un, un ne sera pas tout à fait un. A un contre un, il faut un en plus pour faire trois. A deux contre deux, un en plus pour faire cinq, et ainsi de suite jusqu’à l’infini. Garder un coup en reste : telle est la méthode subtile.
L’efficacité d’une offensive tient avant tout à la répartition alternée des forces que l’on envoie au combat. Celui qui jette toutes ses cartes sur un coup unique dévoile par là l’ensemble de son dispositif et se trouve placé en position extrêmement défavorable pour jouer le pas suivant.
La tactique classique consiste donc à diviser les forces dont on dispose en deux groupes pour un usage échelonné, chacun étant tour à tour chargé d’appuyer l’autre. Le premier groupe a pour fonction de lancer une attaque ouverte, de manière à concentrer contre lui toute la puissance du dispositif de l’adversaire. Le second groupe profite alors de la situation ainsi créée pour frapper l’adversaire dans le dos au moment où il est occupé à riposter.
Le premier groupe est appelé troupes zheng, le second, troupes ji. Ces deux termes paraissent issus du vocabulaire mathématique dans lequel zheng désigne les nombres entiers et ji les nombres impaires. Les impairs remplissent en effet la fonction de un en plus. Introduits dans le jeu selon une règle différente, ils ont pour mission de rompre l’équilibre des forces entre l’armée ennemie et les troupes zheng. Les troupes zheng engagent le combat. Les troupes ji emportent la décision. Les troupes zheng frappent de front, les troupes ji attaquent sur les flancs.
Si l’adversaire parvient à saisir le fait que, dans mon assaut, le second temps est plus important encore que le premier, il suffit alors d’inverser les pôles de ma tactique : que l’adversaire en vienne à reconnaître mes impairs et il faut alors les utiliser comme forces zheng. Que l’adversaire identifie mes forces zheng et il suffit de leur donner la fonction d’impairs.

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