2011-01-30

Kamerun! Une guerre cachée aux origines de la françafrique 1948-1971

Pendant plus de quinze ans, de 1955 à 1971, la France a mené au Cameroun une guerre secrète. Une guerre coloniale, puis néocoloniale, qui a fait des dizaines de milliers de morts, peut-être davantage. Une guerre totalement effacée des histoires officielles. En France, où l'on enseigne toujours que la décolonisation de l' "Afrique française" fut exemplaire et pacifique. Et au Cameroun, Où il est encore risqué aujourd'hui d'évoquer ce terrible conflit qui enfanta une redoutable dictature... C'est dire l'importance de ce livre, qui retrace pour la première fois l'histoire de la guerre menée par les autorités françaises contre l'Union des populations du Cameroun (UPC), le parti indépendantiste créé en 1948, et tous ceux pour qui la liberté et la justice s'incarnaient en un mot: "Kamerun!"
Pendant quatre ans, les auteurs ont enquêté en France et au Cameroun. Ils ont retrouvé de nombreux témoins: militaires français et camerounais, combattants nationalistes, rescapés des massacres... Dans les archives, ils ont consulté des milliers de docuemnts et fait d'étonnantes trouvailles. Ils racontent comment furent assassinés, un à un, les leaders de l'UPC: Ruben Um Nyobè en 1958, Félix Moumié en 1960 et Ernest Ouandié en 1971. Et ils montrent comment l'administration et l'armée françaises, avec leurs exécutants locaux, ont conduit pendant des années une effroyable répression: bombardements des populations, escadrons de la mort, lavage de cerveau, torture généralisée, etc.
Plus de cinquante ans après la pseudo-indépendance accordée au Cameroun le 1er janvier 1960, cette histoire reste d'une brûlante actualité. Car c'est aussi celle de la naissance de la Françafrique, fruit du consensus colonial de la IVe République, puis de la diplomatie secrète de la Ve République. C'est l'histoire, enfin, d'un régime "ami de la France" en guerre perpétuelle contre son propre peuple: après vingt-deux ans de dictature sous Ahmadou Ahidjo et près de trois décennies de déliquescence sous Paul Biya, les Camerounais rêvent toujours d'indépendance et de démocratie.
Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa, éditions la Découverte, 2011, 717p.


Extrait (p.469): En réalité, au début des années 1960, les théories fran4aises de contre subversion sont plus que jamais d'actualité en Afrique. Grâce aux accords d'assistance technique militaires que la France fait signer à ses anciennes colonies d'Afrique, les "officiers malades de l'Indochine" peuvent enseigner aux jeunes armées africaines les principes de "défense en surface", "action psychologique", "quadrillage des populations" et autre "guerre dans les foules". Le recyclage des théories s'accompagne d'une mutation - qui n'est pas toujours une sanction, quoi qu'en dise messmer - de tous les spécialistes de la DGR restés fidèles au général de Gaulle. C'est le cas de l'un des plus célèbres d'entre eux: Marcel Bigeard, "héros" de la bataille d'Alger, qui est envoyé en centrafrique de juillet 1960 à janvier 1963 pour y prendre le commandement du 6e RIAOM. Et, si Pierre Messmer propose au général Massu le commandement de la ZOM 2 en février 1960, en pleine guerre du Cameroun, ce n'est sans doute pas non plus une coïncidence.

Livre très bien documenté, les auteurs exposent avec précision le déroulement de cette guerre secrète. Sans concession, ils évoquent aussi bien le soutien direct de la France à la contre insurrection  (bombardements civils, formation et renseignement (torture)) que les divisions des représentants de l'UPC à l'étranger.

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