2011-03-20

Stratagème n° 36 : la fuite est la suprême politique

Conserver ses forces intactes en évitant un affrontement.
Le Yijing dit : Retraite. Nulle faute.

Si le triomphe de l’ennemi est assuré et que je ne peux plus le combattre. Trois solutions s’offrent à moi : me rendre, négocier ou fuir. Capituler revient à subir une défaite complète. Négocier, une demi défaite. Mais fuir n’est pas une défaite. Eviter la défaite est le point tournant qui permettra peut-être de la transformer plus tard en victoire.
Le général Bi Zaiyu, de la dynastie des Song, avait longtemps tenu, face aux positions Jin. Il décida un beau soir de lever le camp. Il fit laisser en place toutes les bannières qui garnissaient ses remparts et ordonna encore que l’on suspende des chèvres par leurs pattes de derrière de telle sorte que celles de devant reposent sur des tambours. Goûtant fort peu cette position inconfortable, les chèvres battaient de toutes leurs forces sur les instruments en produisant un tel vacarme que les Jin ne s’aperçurent de rien et restèrent plusieurs jours encore sur leurs positions. Quand ils découvrirent la supercherie, Bi Zaiyu était déjà loin. Que voilà donc un maître dans l’art de la fuite !
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Le président Mao, théoricien de la réponse flexible, fut un partisan enthousiaste de la fuite ou, plutôt, de la retraite stratégique, méthode qui lui permit de préserver le potentiel de l’armée rouge en dépit de multiples campagnes d’encerclement et d’anéantissement menées par le Guomindang. Il arrive souvent que c’est en cédant du terrain qu’on le conserve. Comme on dit : pour prendre, il faut d’abord donner. Un spécialiste militaire étranger a dit : passer à la défensive stratégique, c’est commencer par éviter tout engagement décisif dans des conditions défavorables et ne le rechercher que lorsqu’une situation favorable a été créée. On peut passer à la contre-offensive lorsque deux au moins des conditions suivantes, avantageuses pour nous, désavantageuses pour l’ennemi, ont été obtenues par la retraite : aide active apportée par la population civile ; des positions de combat favorables ; une concentration entière de nos forces principales ; la mise en évidence des points faibles de l’ennemi ; l’épuisement moral et physique de l’ennemi ; une faute de l’ennemi.
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Pour recourir au trente-sixième stratagème, il n’est pas toujours nécessaire de prendre ses jambes à son cou. Il suffit parfois de savoir à temps détourner une conversation.
Liu Bei fut un grand maître en l’art de subir des humiliations temporaires qui, à la longue, lui gagnèrent un royaume. Il arriva qu’au cours de sa vie errante il vint se mettre au service de Cao Cao. Celui-ci le traita avec générosité, lui donna un poste et l’invita souvent à s’entretenir en sa compagnie. Un jour qu’ils partageaient un repas en tête à tête, Cao Cao fxa soudain Liu Bei et déclara : il n’y a aujourd’hui dans l’empire que deux héros : vous et moi. Liu Bei, qui était au pouvoir de Cao Cao, comprit fort bien la menace que constituait un pareil compliment. Il pâlît et laissa tomber ses baguettes et sa cuillère sur le sol. Un coup de tonnerre retentit au même instant et une grosse averse se mit à tomber. Liu Bei qui s’était repris se baissa calmement pour ramasser ses baguettes et s’excusa : le tonnerre me fait toujours un tel effet… Cao Cao rit et demanda : quoi ? Un homme de votre trempe craint le tonnerre ? Liu Bei répondit : Confucius lui-même n’était-il pas affecté par la majesté de ce son. Comment ne l’imiterai-je pas ? Et il dévia ainsi le sujet de la conversation. Cao Cao dès lors ne douta plus de ses intentions… et eut bientôt à s’en repentir.

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